l’art du choix des chaussons d’escalade
Écrit par un vrai fétichiste du chausson, qui en possède une douzaine de paires et se rend souvent en magasin pour mettre le pied dans les nouveautés…

Pour commencer, il faut comprendre comment marche un chausson d’escalade.

L’objectif du chausson est d’aider la poussée du pied, pour pouvoir soutenir le poids du corps sur des petites prises sans qu’il se fatigue, tout en laissant la possibilité de « sentir » la prise de pied sous les orteils.
Cet objectif est atteint de deux façons à la fois.
D’un coté, le fabricant peut rigidifier plus ou moins la semelle. Cette solution donne du support mais tue une partie de la sensibilité. De plus, un chausson très rigide s’adapte moins facilement au pied, et donc peut résulter inconfortable si votre forme de pied ne correspond pas parfaitement au chaussant.
De l’autre, plus le pied est « compressé » dans le chausson, plus l’ensemble pied-chausson est rigide. D’un coté le chausson présente un système de tirants en gomme (surtout au talon, pour pousser le pied vers l’avant), de l’autre c’est au grimpeur de prendre le chausson assez petit pour que ce système marche. Cette solution laisse de la sensibilité, à condition que cette compression du pied, parfois extrême, ne soit pas trop douloureuse (il faut de l’habitude…).

Tous les chaussons modernes (depuis 20 ans) utilisent ces deux astuces à la fois, dans des mesures différentes. En tout cas tous utilisent plus ou moins la 2ème, il n’y a plus aujourd’hui un chausson qui soit complètement rigide, dépourvu de toute tension et fait pour être chaussé « plus large que le pied ».
Il est donc impératif que chausson et pied travaillent comme un corps unique, c’est-à-dire qu’il n’y ait aucun vide entre pied et tige et qu’on soit au moins un tout petit peu compressés dedans.
Aucun chausson actuel n’est fait pour être gardé au pied pendant des heures, sans jamais l’enlever….à la limite il y a des hybrides chaussure/chausson (basket à la gomme adhérente) conçus pour permettre aux guides et moniteurs de grimper correctement dans du relativement facile…

L’art du choix du chausson est donc en 1er lieu le fait de trouver un modèle qui nous enveloppe le pied complètement et qui le comprime de façon relativement homogène.
Pour cela rien ne vaut le temps passé à essayer d’innombrables modèles, dans plusieurs pointures différentes, dans un magasin ayant un large choix (à paris : au vieux campeur, quartier latin).
Prenez tout le temps nécessaire, éventuellement demandez du conseil par rapport aux formes (commencez par un modèle et ensuite expliquez votre ressenti au vendeur…)

Erreur de choix typique : prendre un modèle au chaussant volumineux en pointe, dans une pointure assez large, en espérant y être confortable.
Il faut d’abord comprendre qu’à moins d’avoir un pied effectivement large et volumineux, il y a une seule possibilité pour remplir correctement ce genre de chausson, c’est-à-dire de le prendre très petit, de façon que les orteils soient complètement pliés.
A l’usage, ce chausson sera peu efficace, fatiguera vite le pied, et ne sera pas si confortable que ça, parce que la pression se fera uniquement au bout des orteils (aie les ongles…)
Généralités sur les chaussons présents sur le marché aujourd’hui.

Chaussant
chaque modèle a une forme différente de tous les autres, mais on peut distinguer deux grandes familles :
« orteils à plat ». chaussons peu volumineux, qui épousent la forme d’un pied à repos (mettez vous débout, pied nus…). Souvent au moins moyennement rigides.
Ces chaussons sont moins contraignants pour un pied qui n’est pas encore « fait » par la pratique et donc la presque totalité des modèles débutant et/ou « confort » y appartient.
Certains modèles de cette famille restent redoutables pour une pratique de très haut niveau en terrain vertical et peu déversant, sur micro-prises de pied (exemple : le modèle « anasazi lace up » de la marque 5.10, référence de la poussée sur prises microscopiques, de la taille d’une pièce de monnaie…)

« orteils pliés ». chaussons qui épousent la forme d’un pied contracté (essayez d’attraper un objet posé au sol avec vos orteils…).
Volumineux, souvent assez cambrés (la pointe « plonge » comme le nez du Concorde), à prendre d’autant plus petits qu’ils sont souples…
Ce sont des chaussons redoutables en devers car ils donnent la possibilité de « tirer » la prise de pied pour se rapprocher de la paroi.
Aussi, cette forme permet un compromis plus orienté vers la sensibilité et la capacité du chausson de s’adapter à des prises arrondies, plates…
Choix logique en salle d’escalade à partir d’un niveau « 6 », en extérieur c’est plutôt à partir du « 7 ».
Moins confortables au sol, à enlever impérativement quand on ne grimpe pas!
Si le concept est né il y a 20 ans pour le haut niveau en terrain très déversant, ces chaussons sont très polyvalents à conditions d’être chaussés correctement (petit), si l’ensemble pied/chausson est assez fort (soit vous avez un pied musclé par rapport à votre poids, soit le chausson est quand même assez rigide, exemple les modèles « miura » lacet et velcro de la marque « la sportiva »)

Pointures
Chaque marque, voir chaque modèle, a son système. Le modèle X de la marque Z en 38.5 peut être équivalent au modèle Y de la marque W en 42 !!!
Pour chaque modèle il convient de déterminer la plus petite pointure dans la quelle on arrive à rentrer (avec effort et douleur, voir avec une astuce pour que le pied glisse mieux dans le chausson : un sac plastique en guise de chaussette) et l’utiliser comme référence.  Ensuite on s’écartera plus ou moins de cette pointure ultime, selon la famille de chausson, le matériel, l’usage, l’habitude…

exemple 1: débutants, vous choisissez un modèle « pied aplat », rigide, dans une matière qui ne se détend pas, et vous voulez le porter avec une chaussette pendant au moins 30 minutes à chaque fois. Prenez 1 voir 1.5 pointures en plus que la référence.

exemple 2: grimpeurs depuis 15 années, vous choisissez un modèle « orteils pliés », souple et qui se détend beaucoup, pour faire de la performance. Prenez donc la pointure ultime, mais attendez un moment: êtes vous vraiment surs de ne pas pouvoir prendre plus petit???

Matières
Croute de cuir non doublée : matière agréable qui se détend. Le chausson prendra environs une demie pointure avec l’usage (plus pour les grosses pointures et moins pour les petites), surtout dans le sens du volume (largeur/hauteur). Il faut se forcer à prendre petit…
Avantage : le chausson se moule au pied, ça pue moins que le synthétique.
Défauts : si vous transpirez, ça vous teint les pieds au couleur du chausson…et surtout, l’enlargissement du chausson peut être un peu aléatoire, car tous les morceaux ne sont pas égaux…le cuir du ventre de la vache n’est pas pareil que celui du dos !
Exemple de chausson : LaSportiva Cobra, le modèle « orteils pliés » pas cher, confortable, souple et sensitif…qui s’enlargit toujours trop, et vous teint le pied en orange…

Cuir doublé : pareil, mais la doublure élimine en partie les défauts.
Solution employée sur certains modèles LaSportiva.

Synthétique non doublé (lorica, microfibre). : matière plus ou moins élastique, qui s’enlargit à l’usage mais tend aussi à rétrécir un peu au repos.
On n’est pas obligés de prendre aussi petit que pour du cuir.
Souvent très doux et confortable même quand ça serre, c’est donc probablement le meilleur choix pour votre 1ere paire.
Une large majorité des chaussons haut de gamme emploie ce matériel, mais aussi quelques modèles moins radicaux (par exemple chez la marque française EB)
Désavantages : ça pue, ça résiste moyennement aux frottements.

Synthétique doublé en coton.
Cette matière ne se détend presque pas du tout et n’est pas élastique.
D’un coté, c’est plus prévisible car votre chausson restera pareil : s’il est vraiment atroce en magasin il ne deviendra jamais confortable avec l’usage…
De l’autre coté, l’absence d’élasticité empêche quelque part la déformation de l’ensemble pied/chausson (si vous avez pris assez petit) et donne donc un grand support et une grande précision lors de la poussée sur petites prises de pied, surtout si la fermeture se fait par lacets.
Défauts : ça pue encore plus et le confort est parfois relatif. Si vous avez pris trop petit, vous avez pris trop petit…il faut vraiment savoir prendre la bonne pointure !
Metière employée sur les modèles haut de gamme de la marque 5.10 et ses imitations (tenaya).

Systèmes de fermeture

Scratch : le plus pratique, rapide à mettre et enlever. Défaut, ça serre de façon peu uniforme, surtout si vous avez pris trop grand.

Lacet : le plus précis et versatile. Vous pouvez serrer à mort s’il faut rigidifier le chausson pour pousser sur une petite prise, laisser un peu détendu s’il faut plus de souplesse et sensibilité…. Chiant à enlever et mettre, mais vous pouvez en partie compenser une erreur de pointure ou une détente excessive.

Élastique (et élastique+1 seul scratch). Système qui se marie bien avec des chaussons souples, ça donne une pression plus homogène que le scratch.
Le plus rapide à mettre et enlever.
Défaut : il faut vraiment prendre petit car l’élastique ne serre jamais très fort et en plus il va se détendre à l’usage…

Rigidité/support
Vous l’aurez compris, il faut l’évaluer avec votre pied dedans, si possible en poussant sur une prise de pied (les bons magasins ont un petit mur ou une planchette avec des prises de pied).
Plus vous êtes léger, moins il faut de support, et inversement.
Ensuite il faut voir par rapport à vos préférences de grimpe : plus de support pour pousser sur des petites prises dans des murs proches de la verticale, moins de support pour des murs très couchés ou très déversants.

Ressemelage
Les chaussons se ressemellent ! C’est-à-dire, on enlève la vieille gomme trop usée et on la substitue avec de la nouvelle.
Pour que cette opération soit possible, il faut les envoyer avant d’user la gomme de « l’enrobage », c’est-à-dire celle qui vous retrouvez sur les cotés du chausson et qui continue sous la semelle.
Le résultat change selon l’artisan : un bon ressemelage est presque aussi performant q’un chausson neuf, un mauvais ressemelage est peu performant et peu confortable.
Un chausson peut «tenir » entre 1 et 5 ressemelages avant d’être complètement mort (trous, fissures dans la gomme du talon, coutures qui lâchent), ça dépend de votre usage, de combien vous chaussez serré, des matériaux (le plus résistant : cuir doublé, si vous tombez sur la bonne partie de la vache…)
Les chaussons « plats » sont souvent mieux ressemelés que ceux « cambrés », même si cela est en train de changer…
Un ressemelage coute entre 25 et 35 euros la paire (selon l’état). La plus part des magasins spécialisés et des salles ont un partenariat avec des entreprises spécialisées.
(A saisir  : si vous faites du 41/42 en chaussures de ville, je vends souvent des chaussons achetés par erreur, pour pas grand-chose… je fais du 42.5 mais je prends petit, très petit)