Mercredi dernier, Mad Rock organisait un test chaussons à Arkose Genevois. Ci-dessous je vous livre mes impressions concernant trois modèles : HayWire, Weaver, Drone HV. Trois modèles bien typés, dont on peut apprécier le caractère même avec un quick-test en salle.
HayWire : le jouet.
Le HayWire est le modèle que j’attendais le plus sur ce test, étant un concentré d’innovation. Il se présente comme une chaussette en matière « knit » sur laquelle sont posés des tirants en gomme traditionnels et une coque semelle/enrobage moulée en une seule pièce. C’est un procédé novateur car normalement enrobages et semelle sont réalisés à partir de plaques de gomme découpées et collées séparément sur le chausson.
Le chaussage est très simple, c’est vraiment comme enfiler une chaussette, et la sensation générale est celle d’une souplesse extrême. La pointe est plutôt ronde, avec un volume moyen et une forme très plongeante. Le talon est relativement étroit et moyennement tensionné : ce manque relatif de tension est à mon avis l’un des deux petits défauts de ce chausson : quand on descend trop dans les pointures, le tirant du talon se positionne simplement plus bas sur le pied à la place que pousser le pied plus fort vers l’avant. C’est d’ailleurs l’un des deux commerciaux de la marque qui m’a convaincu à ne pas trop descendre dans les pointures: j’ai essayé un 41.5 alors qu’en baskets je chausse du 42.5/43.
La première sensation est assez déconcertante : d’une part les pieds sont beaucoup plus « au frais » qu’avec un chausson classique, de l’autre la conception « déstructurée » au milieu donne l’impression de chausser deux parties distinctes – et lors d’un chaussage prolongé, on sent la pression du chausson uniquement au bout des orteils. En effet le maintien au milieu du chausson est presque « inexistant » du fait de la matière très extensible et de l’absence totale de serrage à ce niveau-il y a un scratch unique sur le cou du pied, qui sert à sécuriser le talon.
A l’usage le HayWire se révèle un chausson hyper ludique, vraiment « fun ». Il surprend par sa capacité « préhensile », sans égaux même quand on compare avec les chaussons les plus souples des marques concurrentes, sauf si on remonte loin dans le temps aux ballerines « mantra » de Sportiva. Les crochetages en contre-pointe et talon sont également très efficaces, ainsi que l’aptitude à s’écraser sur les volumes.
La précision sur les petites prises, en dalles et murs verticaux, est très bonne quand on tient compte du programme, et tant qu’on se place « de pointe » ou en carre externe. Par contre en carre interne on paye l’absence de serrage en milieu de chaussure : le haywire tend à rouler sur le pied et se comporte comme une vieille ballerine trop détendue. Dans tous les cas, ne vous attendez pas à un chausson qui fait le travail pour vous: il faut un pied musclé pour l’exploiter en grattonage.
Une note particulière concernant la gomme : l’usinage en moule de l’avant du pied fait que quand le chausson est neuf, il est encore recouvert par les cires de démoulage. L’adhèrence lors des premières utilisations n’est donc pas au niveau des autres chaussons de la marque, mais elle devrait nettement s’améliorer une fois que la gomme est « faite ».
Pour résumer : un chausson très confortable et amusant, parfait pour une pratique loisir de tous niveaux en salle de bloc, pour les dévers marqués en salle de voie, et également intéressant pour des cas très spécifiques en extérieur, comme des grottes à concrétions en calcaire. Il gagnerait tout de même d’être revu par rapport au serrage en milieu du pied et à la tension/forme du talon pour devenir parfaitement abouti dans une logique de pure performance.
Weaver : la pantoufle
Autre modèle en matière « knit », le Weaver est moins radical que le HayWire tant dans la construction que dans la forme. On est face à un chausson deux scratchs plat, avec enrobages et semelle classiques : forme et constructions sont d’ailleurs issus du modèle « Flash » un classique de la marque.
Première sensation au chaussage : une pression sur le pied très homogène, l’effet « chausette compressive » est encore plus bluffant que sur le HayWire. En choisissant une pointure ajustée l’élasticité de la matière permet aux orteils de se plier, ce qui confère au chausson une certaine agressivité, malgré la semelle plate (J’ai testé un 41.5). La forme de la pointe est un peu « carrée », elle fait travailler le 2eme doigt avec le gros orteil. Une forme qui rappelle une certaine marque américaine, mais en plus plongeant et volumineux, avec une rigidité est moyenne/souple. Le talon rappelle celui de son cousin bleu clair, mais en moins agressif. À part cette sensation de fraîcheur déjà connue en essayant le HayWire, le Weaver me semble si possible encore plus confortable : c’est l’un des rares chaussons avec lesquels je peux envisager une séance entière de grimpe sans déchausser, tout en le prenant d’une pointure acceptable pour les performances.
En grimpe, ce chausson se révèle beaucoup plus axé sur l’escalade en dalle/vertical/léger devers, où la pointe me semble travailler vraiment bien en toute circonstance. La forme tend à faire travailler les premiers deux orteils ensemble, plutôt que le gros orteil tout seul.
Mention spéciale pour la gomme, qui par rapport à la concurrence me semble exceptionnellement efficace sur les prises en « double texture » : elle a une certaine adhérence même sur la partie lisse, qui devrait normalement glisser. Je serais bien curieux de voir si cela reste vrai sur du calcaire patiné!
En devers plus prononcé, malgré la conception orientée dalle/mur, la relative souplesse, l’adhérence de la gomme et l’agressivité « non voulue » due à l’élasticité de la matière, permettent à la pointe de ne pas défigurer. On arrive à griffer les prises plutôt correctement, du moins si on a un pied musculairement fort et habitué à « forcer » le chausson. Malheureusement le talon, qui manque de poussée, est moins efficace, et les contre-pointes sont à la fois douloureuses et, j’imagine, rédhibitoires pour la durée du chausson.
En résumant, le Weaver me semble un super chausson pour grimper en salle dans des inclinaisons proches de la verticale (quel que soit le niveau) et pour tous les grimpeurs qui utilisent rarement talons et contre-pointes, mais aussi un choix intéressant pour l’extérieur. Son confort exceptionnel et ses qualités me font penser qu’il peut se révéler un premier choix pour les grandes voies plaisir au soleil, situation dans laquelle l’inconfort des pieds est souvent dû à une surchauffe des mêmes. Evidemment, il ne faut pas qu’il s’agisse de grandes voies en fissure, la matière étant potentiellement fragile en cette circonstance, et n’offrant aucune protection au pied : dans ce cas, chez mad rock j’opterais plutôt pour le Remora ou le Flash.
Drone HV : l’arme
Modèle plus conventionnel, le Drone se présente visuellement comme une ballerine à un seul scratch orientée à la performance.
Au chaussage, ce chausson se révèle assez étroit malgré la mention HV ou « high volume » : je n’ose pas imaginer à quoi doit ressembler la version LV !!! J’ai d’ailleurs du monter d’une demie pointure par rapport aux modèles en « knit », choisissant donc un 42. Malgré une certaine difficulté pour l’enfiler, ce chausson est au premier abord plutôt confortable, et ne me procure aucun point de pression particulier – certes, le pied est plus contraint et moins au frais que sur les modèles testés avant, mais je m’y sens mieux que dans beaucoup de chaussons « performance ». La forme est bien pointue et très axée sur le gros orteil, assez plongeante et griffée, mais le manque de volume fait que finalement les orteils ne se plient pas totalement. La semelle présente une concavité évidente qui la plaque contre le pied et lui donne une bonne préhensilité quand on griffe les prises de pied. La rigidité est assez haute pour une utilisation 100% salle, moyenne si je me projette sur une utilisation en rocher. Le talon est structuré, profond mais étroit : certains auront donc du mal à y rentrer jusqu’au bout.
Avec un ressenti général de bon chausson polyvalent orienté vers le haut niveau, le Drone ne m’a pas déçu lors de la grimpe. Tout lui réussit bien et de façon conforme au programme, et reste très exploitable même dans des situations type mur ou dalle, où d’autres chaussons « agressifs » se révèlent exigeants et peu intuitifs. Seul hic, en salle de bloc on aimerait un poil plus de souplesse pour mieux sentir les adhérences sur volumes. Comme sur le Weaver, la gomme étonne par son adhérence sur les prises en double texture et me laisse curieux quant à son efficacité en rocher!
Le talon, plus rigide et tensionné que chez ses cousins en « knit » inspire confiance, et marche bien même si je ne le remplis pas totalement. Les performances en contre-pointe sont aussi très bonnes, peut être même meilleures que sur le HayWire.
Par rapport au deux modèles précédents, le Drone est le chausson que j’aurais le plus aimé tester en rocher : son attitude générale laisse envisager des belles performances avec un confort adapté pour l’utiliser en « seule paire dans le sac », et de plus la forme de la pointe devrait le rendre très efficace en calcaire à trous…
En résumant, un modèle polyvalent destiné au haut niveau, qui se fait remarquer par un chaussant assez étroit, une rigidité moyenne, et une agressivité bien présente mais moins extrême par rapport à certains modèles de la concurrence qui lui sont visuellement très proches. Une option sérieuse, à mon avis, pour les grimpeurs de niveau 7 et plus qui veulent un seul chausson à utiliser depuis l’échauffement jusqu’au run d’enchainement, en bloc comme en voie, sur tout type de terrain . La version « LV », aux volumes encore plus réduits, devrait être une aubaine pour ceux qui ont un pied ultra-fin et veulent se passer d’une fermeture à lacets.
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