Avec ce post j’inaugure une série d’articles concernant le matériel d’escalade. Mon objectif est de parler uniquement du matériel dont j’ai fait une utilisation approfondie, il s’agira donc d’un vécu de moyen-long terme et pas de premières impressions.
Je commence donc avec un de mes chaussons favoris, presque toujours présent dans mon sac pour toutes les situations d’escalade outdoor (bloc, falaise, grande voie).
Forme et volume
Il s’agit de chaussons de forme moyennement asymétrique et assez “plate”, comme d’habitude dans la gamme Anasazi. La différence par rapport aux anciens modèles, dont la version à scratch, se fait dans le volume plus faible tant au talon qu’en pointe. Cela donne une position du pied avec les orteils très « à plat » même en le chaussant hyper petit, ainsi qu’un excellent remplissage du talon.
Ils conviendront donc à des pieds fins/moyens.
Tension et Rigidité
La poussée du talon est moyenne (plus faible que l’ancêtre anasazi blanco) et la rigidité moyenne/haute.
Matériaux et évolution dans le temps
En synthétique doublé, ce chausson se détend peu. Il devient cependant plus confortable et souple au cours des premières 10 séances.
La tenue dans le temps des collages semble améliorée par rapport aux autres modèles 5.10 des dernières années.
Seul point faible, les lacets, qui supportent mal les placements en fissure et les crochets de pointe: il convient de les remplacer par de la cordelette en 3mm.
Performances, sensations et terrain d’application
J’ai testé ce modèle en deux pointures : « ultime » pour le bloc et la performance en falaise (1.5/2 en moins que la pointure de ville) et une demie pointure de plus (utilisation en grande voie et fissures).
Dans la lignée de ses prédécesseurs, ce chausson est surtout une arme de poussée en grattonage.
Par rapport à son ancêtre Anasazi blanco, il présente cependant deux différences marquantes :
-il gagne en polyvalence et confort.
-il perd un petit peu de puissance, agressivité et précision dans les situations plus extrêmes (poussées violentes sur micro-prise de pied, surtout en bloc). Il reste très bon, mais décevra un peu certains adeptes du blanco qui recherchaient la performance absolue et sans compromis dans ce domaine…
En parlant de sa polyvalence : ce chausson offre un compromis « soutien/sensations » vraiment intéressant, tout en restant assez rigide. De plus, sa forme très « plate » en pointe le rend très efficace en fissure : à différence d’autres modèles, on n’est pas obligés de le prendre excessivement large pour ce type d’utilisation. Il est donc un modèle très adapté aux grandes voies granitiques et aux couennes « trad ».
En bloc et en falaise, ce modèle brille sur des inclinaisons proches de la verticale, surtout si les prises de pied sont petites mais nettes. Il peut aussi être très efficace en devers modéré et dalle, si l’itinéraire ne fait pas trop remarquer son manque de griffe et de souplesse.
S’il faut lui trouver un défaut -au-delà de la petite perte de performance en « ultragrattonage »- la pointe est un chouilla « ronde », ce qui en combinaison avec le manque de griffe le rend moins efficace dans les petits trous (bidoigts, monos…).
Le talon par contre est une vraie surprise, efficace et précis un peu partout alors que traditionnellement les talons Anasazi ne font pas l’unanimité. Cette caractéristique en fait un modèle vraiment intéressant pour des blocs en « compression » ou traversée et pour certaines longueurs en falaise.
Le confort est correct sans être son atout principal. Sa forme est assez proche de celle d’un pied à repos et ne cause pas de point de pression évidents. En revanche les volumes étroits et la rigidité d’ensemble me semblent contraindre la circulation du sang plus que sur d’autres modèles…dans des conditions froides, surtout vers la fin des grandes longueurs en falaise, on peut avoir des problèmes d’insensibilité des orteils!
Je ne l’ai pas testé en salle d’escalade, imaginant qu’il ne sera pas trop mis en valeur (normalement cette situation favorise des chaussons très souples et assez « griffés »)
Le mot de la fin
Ce chausson ravira les grimpeurs aux pieds fins et moyens qui recherchent un chausson vraiment polyvalent, mais orienté au travail de grattonnage, surtout en mur vertical. Il met en valeur les grandes poussées sur des prises de pied assez basses, par rapport à des méthodes et styles d’escalade qui privilégient la « griffe » sur des prises de pied hautes et/ou éloignées de l’axe du corps – il est donc un bon choix pour des grimpeurs ayant plus de gainage que de souplesse.
Son itinéraire « parfait » est une couenne en très léger devers à petites réglettes, avec quelques crochets talon histoire de mettre en valeur cette caractéristique.
En pointure « confortable », il est aussi excellent dans des situations de grande voie et escalade « trad », qui demandent un chausson à l’aise en fissure et adhérence, mais précis et puissant en grattonage. Scenario assez typique en rocher granitique…
Extra: vidéo d’une partie du test! Eclipse-pensées cachées en combi, Fontainebleau. 7c+ bloc. Traversée demandant un chausson avec un excellent talon et un bon coincement en fissure, pour un repos vers la fin. [youtube=http://www.youtube.com/watch?v=kovCfLp8Ln0]
merci pour tes analyses vraiment précises!
Malheureusement je n’en prends la mesure que maintenant c’est à dire après un mois d’utilisation de ce model et l’hallucinante tendinite à l’orteil qu’il m’a produite (après 15 ans d’utilisation de Five TEN anasazi dans des voies très techniques!!!) Cependant le représentant de la marque tient mordicus sur le fait qu’ils ont utilisé le moule d’origine!
En effet le chausson comprime le devant du pied et coupe la circulation (je voie pas à quoi ca sert???) et le talon ne pousse pas, donc nous avons l’orteil à plat sollicitée au maximum selon l’axe de levier. En plus le chausson est moins rigide (sans doute pour produire la sensation de confort quand on le chausse) et donc laisse supporter à cette pauvre orteil tout le poids du corps.
J’étais tellement contente quand ils ont ressorti ce model et puis j’ai vécu un cauchemar!